Thérapie de couple

« Nous ne sommes jamais moins protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons » S.Freud, 1929.

Dans le dictionnaire de l’Académie Française, le terme couple vient étymologiquement du latin « copula », datant du 12è siècle. Il évoque le « lien », « chaîne », « groupe de deux personnes », puis « paire ». 

La thérapie de couple est une possibilité de cadre thérapeutique assez récente, dont la demande est de plus en plus présente et décomplexée. Bien que frileux au sujet de la psychothérapie de groupe (Burrow in Kaes), Freud parlait déjà de « groupe » dans ses écrits. Il l’évoquait afin de différencier les groupes dits naturels tels que la famille, des groupes non-naturels tels que par exemple la société apparait et au-dedans de laquelle s’en détachent d’autres tels que l’institution du travail, un groupe d’appartenance professionnelle, groupe d’amis, groupe d’intérêt commun au sein d’activité etc…

Couple et famille, bien que parfois proches, sont des entités bien distinctes. Si chaque membre du couple provient d’une famille qui lui est plus ou moins proche, le couple ne fait pas forcément famille. Il s’agit ici de deux individus provenant de deux familles distinctes et ces deux personnes se sont volontairement choisies, en-dehors donc de leur famille d’origine, respectant ainsi le tabou de l’inceste. Ils choisiront ensuite de créer ou non une cellule familiale par le biais d’institution reconnue dans la société civile (PACS, mariage, union libre) qui engendrera ou non une descendance. Là où dans la famille existe non seulement des liens de transmission biologiques, fantasmatiques et imaginaires, de la dissymétrie naturelle dans les places occupées (parents et enfant(s) n’ont pas le même position), et des différences générationnelles, dans le couple il n’est pas (encore) question de cela. L’on voit ici en quoi ce groupe appartient avec probabilité à un futur groupe naturel et en quoi il ne l’est pas et appartient, au départ du moins, à un groupe non-naturel. Ce groupe-couple est à la lisière du familial et du social, nous dirons plus facilement que ce groupe est « en situation de couple ».

La notion de couple a évolué au fil du temps. L’on ne fait pas couple aujourd’hui de la même façon qu’hier. S’unir n’est plus une question de dot, de territoires à conquérir ou de possibilité à engendrer afin de fournir de la main d’œuvre nécessaire/escomptée. L’on peut alors légitimement se poser la question de pourquoi « faire couple » ? Ce dernier, au même titre que les relations sociales est vu comme une possibilité de faire grandir le sujet, de l’augmenter. Il y est question d’être désiré, accepté, reconnu. Une valeur forte, possiblement pour les êtres intrinsèquement seuls que nous sommes. Le couple invente un langage, crée une histoire, un code, par le biais notamment de rituels. A mesure qu’un couple se crée, s’engendre, il peut, s’inscrivant dans la durée, renforcer son identité notamment en créant une barrière de différenciation entre le dedans et le dehors, entre le monde externe et le monde interne. Chacun s’éloigne alors de ses investissements familiaux. A mesure que le couple se crée, les liens d’attache avec la famille d’origine peuvent perdurer bien sûr mais le réel, le fantasmatique de la vie s’incarne plutôt dans l’actuel du couple ; l’on prend ses distances vis-à-vis de sa famille. Distance avec la famille d’origine, rapprochement d’avec l’objet choisi/trouvé qui affectionne, valorise et raffermit l’identité propre, et création d’une entité-couple. Tout cela dans une altérité fondamentale, peu reconnue qui consiste en l’écueil de nombreuses souffrances. La rencontre avec l’Autre est modifiante. Si elle ne l’est pas, alors il n’y a pas eu rencontre.

Dans le couple il ne s’agira jamais de l’addition de deux individualités/singularités, mais plutôt de la création d’une entité tierce : un et un font trois. Le couple se crée un langage, une mythologie qui lui est propre, une entente tacite sur base des conflits communs inconscients où des solutions d’aménagements psychiques sont trouvées au sein de couple. Chaque membre étant la résultante d’un héritage conscient et inconscient venant de sa famille propre, faite d’histoires familiales fondatrices, de mythes, mais également de secret(s), d’alliances inconscientes ; tout cela se retrouve en chacun hérité. Le couple se fonde aussi sur base d’accords inconscients qui servent à se constituer comme une peau commune permettant de faire la différence entre le monde externe et interne. Ainsi chacun arrive avec son histoire, des façons de faire et de penser avec lesquels il est plus ou moins d’accord. Les premiers temps de l’histoire du couple sont un préalable à la création, aux fondations qui se caractérisent souvent par une phase passionnelle servant à consolider les collusions qui autoriseront à vivre quelque chose de différent. Dans le plus grand secret de l’individu se noue un pacte et il s’agira alors pour chacun de voir en quoi l’Un peut venir s’encapsuler, s’arrimer à l’histoire de l’Autre. Une fois cette phase passionnelle souvent nécessaire, dépassée, il s’agira de voir en quoi l’Autre est Autre, si cette différence est digestible pour chacun. La demande de thérapie de couple coïncide souvent avec cette idée que l’entente tacite qui s’éprouvait jusqu’alors ne fasse plus sens, induise désaccordage affectif, conflits, incompréhensions, agressivité, violence verbale et/ou physique, douleur, solitude, replis.

De façon imagée, nous pourrions dire que le couple crée un corps qui lui est spécifique, « un corps commun imaginaire » dirait Claude Smadja et un corps fantasmé inconscient. Cette création inconsciente, involontaire, issue du désir inconscient de deux êtres singuliers-pluriels sera le lieu de scènes rejouées d’une problématique propre à chacun mais qui jusque-là s’étaient emboîtées et où les pulsions de vie, la satisfaction, prenaient le pas sur la destructivité.

Une thérapie de couple peut alors aider à clarifier la mythologie de couple et les nœuds qui se sont constitués. Voir ensuite si chacun s’en trouve éclairé sur le fonctionnement commun, ses défenses nécessaires, les symptômes qui s’expriment lorsque ces dernières ne sont plus efficientes. Il s’agit d’élucider le contrat commun passé, voir en quoi il est possible d’y adjoindre des « avenants » ou pas. Ainsi il sera question de poursuivre la route ensemble plus conscient de soi et de l’Autre ou se séparer en connaissant les motifs véritables de l’impossible sans décision brutale, sans passage à l’acte violent qui signe toujours un arrachement. Une douleur donc.

Schématiquement l’on pourrait dire que le couple est une entité tierce différente de A et de B, une cocréation de A et de B où chacun va y mettre une part de soi pour laquelle soit l’Autre détient une solution toute faite, soit sera mandaté pour traiter cette part de soi archaïque douloureuse pour soi et intraitable par la personne propre ; l’Autre peut être un moyen de soulager des problématiques jugées insolvables ou trop douloureuses que pour être approchées et traitées individuellement.

Le choix du conjoint a toujours à voir avec l’histoire infantile ; c’est une réédition, à la différence près que la sexualité est ici possible. Le couple se présente comme une enveloppe psychique face au monde permettant de se sentir moins vulnérable. L’on comprend mieux pourquoi se séparer est difficile et parfois une solution d’évitement face au monde environnant.

L’écoute du psychologue de couple est une écoute groupale. Il n’y aura jamais aucun parti pris pour l’un des membres vis-à-vis de l’autre. Le thérapeute est là pour le couple ; aussi il ne recevra jamais l’un sans l’autre et si l’un est absent alors la séance ne pourra avoir lieu.

Les motifs de consultations sont diversifiés allant d’une communication perturbée à des troubles sexuels mineurs, à l’absence de désir/libido, des troubles mécaniques, un évènement de vie douloureux, une recomposition familiale, une séparation, le départ d’un enfant, la difficulté à procréer, un handicap, une maladie somatique, l’entrée en retraite, la crise du milieu de vie, un IVG ou une IMG, l’infertilité, la GPA, la PMA…tout ce qui crée souffrance chez chaque partenaire.

« Être capable d’être seul, c’est la condition pour pouvoir aimer », D-W Winnicott.